Après une septième baisse des taux, les Etats-Unis espèrent une sortie de crise

Publié le par Sciences - Eco - St Paul

    
   
    Le secrétaire au Trésor américain, Henry Paulson, craignait une "croissance négative" au premier trimestre de cette année. Elle a été annoncée, mercredi 30 avril, à 0,6 % en rythme annuel. Soulagement général ? Pas même, tant la majorité des économistes est désormais convaincue que la seule question qui vaille n'est plus de savoir si la récession est là ou pas, mais combien de temps durera "la crise". Et quelle sera sa forme ? En V : une baisse de croissance suivie d'une relance rapide ? En W : des zigzags ? Ou – pire – en L : la descente aux enfers s'installant dans la durée ?
 

    Et quel sera l'effet du "plan de relance" de l'administration Bush ? En mai, plus de 100 millions de foyers américains commenceront à recevoir du fisc des remboursements d'impôts allant de 600 à 1 200 dollars (388 à 776 euros) pour un couple. Certains en attendent une relance, même modeste mais pérenne, de la consommation. La plupart des économistes jugent que ce plan n'aura pas d'effet avant le troisième trimestre et qu'il sera limité dans le temps. D'autres enfin pensent que son efficacité sera nulle : "l'argent dans la poche des gens", selon la formule de l'administration, servira plus à rembourser des dettes qu'à acheter.

    Dans la foulée de l'annonce de la croissance, la Réserve fédérale américaine (Fed) a procédé à une baisse de ses taux directeurs d'un quart de point et laissé entendre qu'avec l'apparente stabilisation des marchés monétaires, ce pourrait être la dernière avant un certain temps. Elle aura ramené son principal taux de 5,25 % à 2 % par sept baisses successives depuis l'été. Elle a cependant noté le maintien d'une série de "faiblesses" de l'économie américaine (immobilier et consommation en particulier).

    Lorsque les chiffres officiels des indicateurs tendent à contredire le sentiment de l'opinion, leur validité est souvent remise en cause. C'est ce qui advient aux Etats-Unis, où l'indice de confiance des citoyens dans l'économie calculé par le Conference Board (à partir d'une base 100 fixée en 1985) est tombé de 112 en juillet 2007 à 62 en avril 2008.

    Dès l'annonce du chiffre de la croissance, nombre d'analystes ont indiqué que, sans les revenus d'exportations, gonflées par la faiblesse du dollar, et surtout sans la reconstitution des stocks, qui compte pour 0,8 % dans la croissance au premier trimestre et qui apparaît à beaucoup comme un jeu d'écritures comptable, la croissance réelle aurait été négative, de – 0,2 % à – 0,4 %. De même, le chiffre des dépenses de consommation des ménages en mars (+0,4 %), annoncé jeudi 1er mai, est contesté, tant il paraît "heureux".

MANIPULATION DES "CORRECTIONS"

    Dans un article au titre explicite, "Le racket des chiffres", publié dans la livraison de mai du mensuel Harper's, l'économiste Kevin Phillips entreprend de "déconstruire" les principaux indicateurs économiques. Il s'appuie sur les calculs d'un économétricien californien, John Williams, mis en ligne sur ShadowStats.com. Se fondant sur la modification du calcul de la hausse des prix introduite en 1982 et celle du calcul du chômage adoptée en 1994, il parvient à la conclusion que, si les précédents critères avaient été maintenus, le chiffre de l'inflation serait aujourd'hui trois fois supérieur à l'officiel, et le taux des demandeurs d'emploi aux Etats-Unis ne serait pas de 5,2 % mais de 7,9 %.

    M. Phillips reprend des arguments développés ailleurs depuis longtemps, en particulier celui de l'intervention des pouvoirs publics dans la mise en forme des chiffres officiels et la manipulation des "corrections" apportées par les statisticiens. Il récuse par exemple l'exclusion des statistiques du chômage de ceux qui travaillent à temps partiel par contrainte.

    Pour l'inflation, il dénonce la correction par le biais des "produits de substitution". "Si le steak devient trop cher, on considère que les gens mangent alors plus de hamburgers", moins chers. Et on conclut que le prix de la viande "consommée" n'a pas augmenté… Selon M. Phillips, même les chiffres de la croissance sont faussés : elle aurait été moins forte qu'annoncée ces dernières années, et serait négative depuis plusieurs mois.

    Sa thèse fera l'objet de contestations. Mais son importance tient au "moment" où elle est publiée, parce qu'elle correspond à une perception générale. Les médias américains regorgent de reportages et d'études montrant une crise excédant de beaucoup la sèche norme statistique. Si la consommation est un peu repartie en mars, comment se fait-il qu'une enquête de Mastercard, effectuée à partir de 300 millions de cartes de crédit aux Etats-Unis, montre que leur utilisation a baissé dans de très nombreux domaines : alimentation, meubles, transports, loisirs, produits de luxe, etc ? Si l'inflation est stabilisée, pourquoi les prix à la pompe et ceux des aliments s'envolent-ils? Là, on touche de près au hiatus entre la statistique officielle et la perception de la réalité. Les Etats-Unis connaissent en effet deux chiffres de l'inflation.

    L'indicateur officiel de l'évolution des prix à la consommation, dit "de base", exclut la nourriture et les carburants, jugés trop "volatils" pour être pris en compte… Après le revenu salarial ajusté à l'inflation, annoncé le 30 avril en baisse de 0,6 % au premier trimestre, vendredi devaient être connus les chiffres du chômage aux Etats-Unis. Nul doute qu'ils feront l'objet de débats identiques, tant le sentiment d'une dégradation de l'emploi est aujourd'hui communément admis.

Publié dans économie

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les Etats-Unis subisent une importante crise financière mais comme il dit dans la partie "manipulation des corrections",les américains veulent faire croire en modifiant les chiffres que cette crise n'est pas important.Mais justement elle est.
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